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20 avril 2014 7 20 /04 /avril /2014 15:19

L'ouverture d'une instance judiciaire interrompt l'écoulement de la prescription. La Cour de cassation précise l'étendue de cette interruption lorsqu'elle est applicable aux rappels de salaires.

Dans ce domaine, la prescription peut être interrompue par la reconnaissance de dette par le débiteur (C. civ., art. 2240), ou encore par la saisine d'une juridiction, même incompétente (C. civ., art. 2241 ; C. trav., art. R. 1452-1). S'agissant de cette dernière cause d'interruption, les tribunaux précisent que la prescription est interrompue pour toutes les actions dès lors qu'elles poursuivent "le même but" (Cass. soc., 3 nov. 2005, n° 03-47.131), ou bien qu'elles ont "le même objet" (Cass. soc., 15 avr. 1992, n°88-45.457).

La chambre sociale de la cour de cassation, dans un arrêt du 26 mars 2014 précise que "si l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail".

En l'espèce, un salarié saisit le 16 mars 2006 le conseil de prud'hommes en vue d'obtenir des dommages-intérêts pour une discrimination syndicale et des rappels de salaire liés à sa classification, qu'il conteste. Débouté, il fait appel et ajoute, le 8 septembre 2010, une demande nouvelle de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, portant sur la période de novembre 2002 à février 2004. La cour d'appel rejette cette demande en lui opposant la prescription. Selon la cour, tous rappels de salaires antérieurs au 8 septembre 2005 étaient prescrits. Ce délai de prescription quinquennale est conforme à la Loi antérieure à celle du 14 juin 2013 (loi n° 2013-504) qui réduit ce délai à 3 ans.

Cette décision est cassée. En effet, la Cour de cassation retient que la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes, en date du 16 mars 2006, en conséquence, les demandes de rappel, même nouvelles au titre des heures supplémentaires, étaient recevables. Cette position, assez favorable au salarié, n'est pas nouvelle, plusieurs arrêts ayant déjà admis l'interruption de la prescription :

- pour une demande de rappel de salaires afférents à une période de formation professionnelle, formulée en cours d'instance, et faisant suite à une demande initiale de dommages-intérêts pour privation du salaire pendant cette période. La Cour de cassation relève que "les deux actions formées par la salariée poursuivaient le même but", ce dont il résultait que "la prescription quinquennale avait été interrompue par la demande initiale" (Cass. soc., 3 nov. 2005, n° 03-47.131) ;

- également pour une demande de rappel de salaires pour journées "enfant malade", alors que la demande originelle portait sur l'annulation d'une mise à pied et le paiement des salaires correspondants (Cass. soc., 8 avr. 2010, n° 08-42.307).

Toutefois, la notion de bonne foi du plaideur pose les limites de cette jurisprudence. Ainsi un salarié, contestant sa classification, demande un rappel de salaires. il obtient partiellement satisfaction devant la cour d'appel, mais la décision est cassée. Devant la cour de renvoi, le salarié modifie entièrement sa demande et réclame le paiement d'heures supplémentaires, calculées sur la base de l'indice qu'il contestait à l'origine. La Cour de cassation, à nouveau saisie, lui oppose l'écoulement de la prescription et relève que les deux demandes n'ont pas le même objet (Cass. soc., 15 avr. 1992, n°88-45.457). Remarque : les demandes reconventionnelles sont admises, en revanche, sans réserves. Ainsi l'action engagée par l'employeur (condamnation du salarié pour "agissements préjudiciables"), interrompt, au bénéfice du salarié, le délai de la prescription et lui donne le droit de présenter, à titre reconventionnel, des demandes de rappel de salaires et de treizième mois (Cass. soc., 21 déc. 2006, n° 04-47.426).

La même solution est reprise lorsque le rôle de chacun est inversé : l'action engagée par les salariés (paiement d'une prime au titre des avantages acquis), interrompt la prescription au profit de l'employeur qui peut obtenir, par demande reconventionnelle, le remboursement corrélatif d'un rappel de salaire, ces "deux actions procédant de la même contestation opposant les parties quant aux modalités de la rémunération des salariés" (Cass. soc., 14 déc. 2004, n° 03-46.836). L'objectif des magistrats est, dans ce cas, de faire bénéficier les parties de l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action en justice dès lors qu'un même élément, le contrat de travail, les réunit (Rapport annuel de la Cour de cassation 2006).

Précisions sur l'interruption de la prescription en droit du travail
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