Selon les articles L.2261-10 et L.2261-13 du code du travail, lorsqu'une convention ou un accord collectif a été dénoncé, sans qu'un accord de substitution n'ait été conclu dans le cadre du délai légal de survie d'un an, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention ou de l'accord dénoncé.
La question se pose de la définition des avantages individuels acquis et de les différencier des avantages collectifs.
Si l'appréciation du caractère individuel ou collectif d'un avantage ne pose pas de réelles difficultés lorsque sont en cause des dispositions conventionnelles clairement individuelles (rémunération des salariés) ou clairement collectives (représentation du personnel, négociation collective...), elle est plus délicate s'agissant d'avantages qui, portant sur les conditions de travail ou l'organisation collective du travail dans l'entreprise, présentent à la fois un aspect individuel et collectif.
Cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 5 novembre 2014 vient interpréter cette question en ce qui concernent des temps de pause conventionnels rémunérés.
Les salariés de cette unité économique et sociale (UES), constituée des entreprises Doux et Père Dodu, étaient couverts par un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail qui prévoyait que les salariés étaient rémunérés sur une base de 35 heures pour 32h30 de travail effectif et 2h30 de pause.
Cet accord va être dénoncé par l'employeur et aucun accord de substitution ne sera conclu.
Les salariés vont, à l'expiration du délai de survie, continué à être rémunérés sur une base de 35 heures mais pour 35 heures de travail effectif.
Plusieurs salariés vont saisir la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire et de rétablissement de la rémunération des temps de pause. Ils considèrent que ces demandes sont basées sur le maintien d'un avantage individuel acquis incorporé dans le contrat de travail.
Après avoir été déboutés par la cour d'appel de Rennes qui retiendra que le maintien de la rémunération de ces temps au profit des seuls salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation était incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les entreprises concernées puisqu'il impliquait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, travaillent 30 minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs.
La cour de cassation va trancher au visa des articles L.2261-10 et L.2261-13 du code du travail. Après avoir rappelé la définition de l'avantage individuel acquis, à savoir un avantage qui, au jour de la dénonciation, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel, la Cour juge que le maintien de la rémunération du temps de pause constituait pour chacun des salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation, non suivie d'un accord de substitution, un avantage individuel acquis.
Dans le cas d'espèce, la cour de cassation considère que la rémunération des temps de pause est un avantage à caractère salarial, et donc individuel. La Cour a d'ailleurs déjà jugé que l'avantage salarial consistant en la rémunération des temps de pause constitue un avantage individuel acquis (Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-43.580).
S'il avait été question d'une demande basée sur l'octroi du temps de pause lui-même, la cour aurait probablement jugé que cela touchait à l'organisation collective du travail et son maintien peut donc se révéler incompatible avec le respect par tous les salariés de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. Dans ce cas, l'avantage ne peut être qualifié d'individuel.
Source : Cass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-14.077